Devenir inspectrice : deux ans déjà

Article écrit pour les Cahiers pédagogiques en août 2017

Après un texte où je présentais ma première année en tant qu’inspectrice de l’éducation nationale, je suis revenue un an plus tard pour faire le point sur ce qui a évolué dans ma manière d’habiter cette fonction complexe et riche.

Le plus impressionnant au début, c’était le nombre de situations à gérer certains jours. Les problèmes qui arrivent soudain de partout, ça n’a pas changé. Ce qui a changé, c’est que cela m’impressionne moins. A la fin de ma première année je me suis dit que j’avais besoin de cadres théoriques pour mieux me retrouver dans la complexité de la fonction, des situations, et pour agir plus juste. Je me suis inscrite en Master Ressources humaines à Lille 3. Ce travail supplémentaire a fait que l’année dernière a été très intense. Mais, grâce aux cours, j’ai eu la possibilité de prendre de la hauteur, de monter régulièrement dans ma montgolfière, pour y lire, réfléchir, échanger avec d’autres, sans perdre le contact avec les bruits du monde : le son, ça monte. Je vais garder cette montgolfière pour la suite.

Ce qui m’avait le plus tendue la première année, c’était les prises de décision qui allaient affecter la situation des personnes : j’interrogeais et m’interrogeais longuement. Ce qui n’a pas changé, c’est que j’interroge toujours beaucoup avant de décider et que je réfléchis souvent en écrivant. Quand j’ai réussi à décrire exactement où est le problème, il est presque résolu. Ce qui a changé, c’est que je trouve cela beaucoup moins fatigant. Avec le côté magique de constater que ce qui me coutait énormément d’énergie est devenu, sans bruit, plus facile.

Le plus difficile pour moi au départ, c’était de trouver la bonne place auprès de personnes en détresse, cette place où l’on peut supporter sans porter. Ensuite, j’ai continué de chercher ma place dans toutes sortes de situations, en restant le garant du cadre, mais en laissant à chacun sa responsabilité, en permettant aux autres de trouver leurs propres solutions. Et, souvent, en remettant de la distance là où il y avait trop de proximité, ou en recréant de la proximité là où la distance s’était installée.

Le plus drôle la première année, c’est le jour où quelqu’un m’a dit : « Vous, vous avez une tête d’inspectrice ! » Je ne m’étais pas aperçue qu’elle avait poussé, cette tête. Je crois que je l’ai gardée, avec la veste noire, les chaussures à talons que je retire très vite en rentrant chez moi. Lorsque la représentation s’achève.

La préparation de la formation cycle 3 m’avait pris beaucoup de temps. La deuxième année, ce sont les six réunions de formation de cycle 3 qui ont été longues à organiser. J’en garde un grand sentiment de satisfaction au bout du compte, lié au fait que l’on est en train de construire un vrai groupe de pilotage de circonscription, avec les chefs d’établissement, des directeurs, les IPR. On y mesure le chemin parcouru depuis l’an dernier : les rencontres croisées que les enseignants du premier et du second degré ont organisées en autonomie entre leurs classes, les habitudes de partage d’outils et d’échanges qui commencent à se prendre.

Le plus réjouissant, c’était les petits yeux endormis de Medhi qui entrait dans la classe, tenant la main de papa et l’oreille de doudou, la petite fille qui s’approchait et glissait sa main dans la mienne. C’est toujours un bain de jouvence que d’entrer dans les classes, surtout de maternelle, où je reste soufflée par l’inventivité des enseignants et par la joie des commencements.

Ce qui me donne le plus envie de continuer, c’est toujours le travail avec les autres. Avec l’équipe de circonscription dans l’intime des situations, avec les collègues IEN qui cherchent comme moi un collectif dans lequel avancer. Avec les IPR auprès de qui j’apprends à trouver ma place. Avec les chefs d’établissement, les directeurs, mes interlocuteurs de la direction des services départementaux : je compte sur eux, ils comptent sur moi. Avec les enseignants enfin. Selon moi, la réforme de l’évaluation porte en elle la possibilité d’une nouvelle alliance symbolique, avec des rencontres dont on peut tous ressortir un peu plus riches, un peu plus légers, envoyés avec optimisme sur notre chemin d’éducation.

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Devenir inspectrice : un an de premières fois