Il m’arrive de me rendre dans des chambres d’Ehpad pour y jouer des mélodies de chansons à la flûte traversière. Il y a quelques semaines, quand j’ai terminé de jouer Mon amant de Saint-Jean pour madame Mercier, elle semblait contente de ce moment musical. Elle a sorti une petite pochette, a fouillé dedans. J’ai supposé qu’elle était à la recherche d’une pièce, que je m’apprêtais à refuser. « Si si si si, ça mérite ! ». Et elle m’a tendu une carte à jouer : un neuf de cœur.
Ce neuf de cœur trône depuis sur mon bureau et m’a invitée à la réflexion.
Donner, recevoir et rendre. Lorsque Norbert Alter parle des trois gestes du cycle sans fin qu’est le don selon Marcel Mauss, il estime ce cycle du don perceptible dans les organisations. Il serait rendu possible ou non par un fonctionnement, par les acteurs. Au carrefour des groupes et des individus, les directeurs et directrices d’Ehpad pourraient être un des maillons invisibles de la coopération entre tous. On peut envisager que certains de leurs gestes alimentent ou empêchent ce cycle du don dans l’organisation.
Madame Mercier a ressenti le besoin de continuer de rendre à qui lui donne quelque chose. Et elle a trouvé l’idée adaptée pour tout cela. Je vois que l’action du directeur ou la directrice de l’Ehpad où vit madame Mercier n’a pas empêché ce geste de « rendre à son tour ». Je me dis depuis qu’un directeur ou une directrice qui garde en tête ce principe de « donner, recevoir et rendre » possède une force précieuse pour la permanence du cycle du don et l’entretien des relations sociales. Assez précieuse pour que madame Mercier soit restée une Dame de cœur.
Alter, N. (2010). Donner et prendre : La coopération en entreprise. la Découverte.