Article paru sur le site des Cahiers pédagogiques le 11 mai 2020
La semaine prochaine, dans cette circonscription comme dans tant d’autres du Nord, beaucoup d’écoles vont rouvrir, avec un petit nombre d’élèves de familles volontaires. Ce sont presque 300 personnes qui se mobilisent depuis deux semaines autour de cette réouverture en relation avec 13 communes, à partir des priorités données pour cette ouverture, grâce à des habitudes de communication et de travail à distance, ou de l’expérience retirée des gardes des enfants des personnels volontaires.
Cette réouverture s’est construite autour de trois priorités que l’on a définies en équipe de circonscription élargie, qui inclut les conseillers pédagogiques, la secrétaire, l’enseignante référente aux usages du numérique, les enseignants du réseau d’aide, les psychologues de l’éducation nationale, la coordonnatrice du réseau d’éducation prioritaire, les enseignants référents, les enseignants maitres formateurs, les infirmières :
– précautions sanitaires pour chacun : gestes barrières, la distanciation physique, matériel scolaire, ventilation des classes, aménagement des classes, dortoirs, sanitaires ;
– continuité pédagogique en présence et à distance, avec une attention particulière aux élèves en difficulté sociale et scolaire ;
– attention au bienêtre et à l’équilibre psychologique des élèves et des adultes, en relation avec les psychologues de la circonscription et la médecine de prévention du département.
A partir de ces priorités, nous avons travaillé avec les directeurs et directrices en direction des équipes, et avec les enseignants dans un groupe de travail autour de la maternelle.
Depuis dix jours les équipes rédigent un protocole pour chaque école, en relation proche avec les communes. Environ 20 % des élèves vont reprendre, en petits groupes. Les équipes ont choisi quels niveaux reprendraient, en fonction des contextes. Souvent c’est GS, CP, CM2, parfois c’est plus large, ou plus resserré.
En présence ou à distance
Nous avions heureusement des habitudes de travail collaboratif et de communication à distance. Cela nous aide beaucoup, puisque nous sommes restés en relation pendant deux mois par mails, appels ou classes virtuelles. Nous avons aussi tenu des documents de questions-réponses asynchrones depuis le début du confinement, des documents collaboratifs, des questionnaires pour aider à ajuster les choses, des espaces de mutualisation. Pour le suivi des élèves, l’Espace numérique de travail s’est révélé pour un très grand nombre d’enseignants d’une redoutable utilité, porté par notre enseignante référente aux usages du numérique.
Ces deux dernières semaines, nous avons réalisé quatre vidéo réunions à distance avec les directeurs et directrices, pour suivre au plus près les problèmes et les réponses à apporter. En parallèle, les conseillers pédagogiques proposent des premières pistes, notamment à partir du dossier envoyé par le ministère, pour trouver des manières de conjuguer la sécurité avec l’envie d’apprendre et le plaisir de se retrouver. Les questions et problèmes sont nombreux, nous sommes tous très fatigués, mais cela avance bien. Les enseignants en situation pathologique (eux-mêmes ou leurs proches) seront en télétravail, les autres pourront alterner présentiel et distanciel en fonction du nombre d’élèves présents. Et évidemment chacun cherche les meilleures manières d’accueillir les élèves mardi, jeudi 14 ou lundi 18, chaque école et commune là aussi a choisi ce qui correspondait le mieux.
Un confinement habité
Pendant la période de confinement, c’était fabuleux de voir les personnes s’adapter aussi vite, inventer des nouvelles manières d’enseigner, d’être en relation. Cela incluait des phases de doutes, d’hésitations, bien normales. Mais partant de ce constat, je sais que lors des prochaines semaines nous allons trouver des manières créatives de travailler au retour en classe. Les enseignants (une soixantaine !) qui se sont occupés des accueils d’enfants prioritaires le disent : au départ c’est difficile, c’est un poids pour les enseignants, surtout avec les plus petits, de regarder partout, tout le temps, de répéter beaucoup les mêmes consignes. Et puis les choses s’installent, les élèves prennent des habitudes. Cela me rappelle beaucoup les nouvelles habitudes, inconcevables pourtant deux mois avant, que nous avons prises en risque attentat.
Nous voici donc à la veille d’une nouvelle dynamique d’ouverture et de travail, qui évitera au moins pour un certain nombre d’élèves d’avoir cinq mois de huis clos, d’arrêt d’école et de sociabilisation. Avec un petit nombre d’élèves, nous pourrons observer, ajuster peu à peu, pour trouver sans attendre de nouvelles manières de travailler ensemble, et les installer, durablement. Parce que septembre va vraisemblablement s’ouvrir dans la continuité de ce que l’on met en place en ce moment.
Solidarité et soutien
Depuis que tout a commencé, il n’y a pas un jour où s’est démentie l’implication des équipes, de l’équipe de circonscription, en relation avec les familles et les services du département. On pouvait sentir au quotidien la solidarité et le soutien mutuel, tant de messages de remerciements, de prenez-soin-de-vous. Nous avons tous énormément appris aussi, en numérique, sur nous-mêmes, sur les autres et des autres, sur nos fonctionnements de groupes. Nous avons su dépasser des désaccords, des incompréhensions, des découragements, nous en aurons et dépasserons d’autres, parce tout cela vit, bouge et nous fait bouger.
Pour terminer, je voudrais dire que je ressens une profonde admiration et estime pour les directeurs et directrices qui font un travail considérable et discret, presqu’invisible, avec les équipes d’écoles. Je voudrais les remercier pour leur patience, pour leur capacité au dialogue, à se remettre en question, à s’affirmer sans se dévoyer, sachant pourquoi et pour qui ils s’investissent : pour leurs élèves les plus vulnérables, dont la fragilité est apparue encore plus fortement ces dernières semaines.
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