Photo : © Mathilde Bernos http://lebateaulivre.over-blog.fr/

L’élégance du hérisson ou les risques de la coopération ?

Article écrit en juin 2019 pour les Cahiers pédagogiques

Mai 2019. Pour la deuxième journée, se tient près de Lille le congrès de l’OCCE, l’Office central de la coopération à l’école. “Coopération et autorité à l’école” a été retenu comme sujet d’échanges pour la plénière, un thème savonnette qui se sauve sitôt qu’on croit l’attraper, peut-être parce qu’on a longtemps aimé l’éviter et que l’on continue généralement d’éviter de l’aimer. Et l’organisation du travail des adultes dans le cadre de relations hiérarchisées, est-ce qu’on peut l’imaginer relever de la coopération ? Les échos médiatiques bruissent de hastags et de mouvements de pensée et d’action qui laissent penser que non. Peut-être même qu’on repousse l’idée, préférant le rempart de la séparation, l’élégance du hérisson, aux risques de la coopération.
Peut-il y avoir de la coopération non pas malgré les rapports hiérarchiques mais au sein de ces rapports, à l’échelle d’un département ? J’ai envie de répondre que oui, que c’est possible : les relations y seront asymétriques par les fonctions (celui qui a le pouvoir étant le garant de la sécurité, d’un bien-être professionnel suffisant) et l’on y recherchera la symétrie qui permet la parole, qui autorise l’initiative, dans un collectif en recherche. J’ai aussi envie de répondre que oui parce que j’ai souvent l’impression de le vivre. Donner aux enseignants les moyens de pouvoir faire leur métier est le souci premier. Pas facile lorsque les situations sont aiguës et extrêmes, que l’on se retrouve face à la violence des êtres ou des évènements. Pas facile non plus lorsque les problèmes sont complexes et à évolution longue, que c’est dans l’urgence du quotidien que les enseignants se débattent, alors que des mois ou des années seront nécessaires pour desserrer l’étau des difficultés sociales, médicales, familiales autour d’un élève. Les moyens donnés aux enseignants de faire leur métier, c’est bien dans la coopération qu’on les cherche : au sein de l’équipe de circonscription lorsqu’il s’agira de se rendre dans les écoles pour une présence réconfortante, pour aider à mettre en place des dispositifs liés au climat scolaire ; entre équipes de circonscriptions lorsqu’on aura besoin d’avoir la présence de plusieurs psychologues de l’éducation nationale au lendemain d’un drame, ou de trouver une école qui prendra le relai d’une autre et accueillera un élève au comportement violent pour un nouveau départ. Dans le département, je sais aussi que nous pouvons compter sur les services comme le Pôle violence, sur nos responsables par les échanges et les conseils, sur le Directeur académique qui m’appellera un mercredi trop lourd, appellera une directrice ensuite : la psychologue du travail ou les équipes mobiles de sécurité nous seront envoyés.
Mais l’esprit de coopération est-il l’affaire de personnes et de personnalités, de qualités individuelles et de bonnes volontés ? Ce serait courir le risque d’une volatilité délétère. Non, penser la coopération à l’échelle d’un département demande de construire une éthique professionnelle collective. Une éthique professionnelle collective n’est pas arrêtée par les échelons hiérarchiques, ni par rigidités des organisations de travail : poreuse et transversale, solidaire et ouverte, elle nous aide à penser notre fonction et à soutenir chacun dans sa mission.

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