Démarche participative

Recherche sur les directeurs et directrices d’Ehpad : une démarche participative

En abordant la sociologie du vieillissement, je savais que je voulais étudier le travail des directeurs et directrices d’Ehpad. Je devinais des points communs avec ce que j’avais connu pendant sept ans en tant qu’inspectrice de l’Éducation nationale. Je voyais également de grandes différences, dont je voulais m’approcher.

Pour l’enquête, j’allais passer par des entretiens. Mais cela ne me paraissait pas suffire…

Mais pourquoi un groupe participatif ?

Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai travaillé avec les autres, en entrant dans des projets avec des collègues, en montant des spectacles. Je connais le cout du « Ensemble on va plus loin », mais je mesure aussi les bénéfices d’une dynamique qui porte, et des autres qui nourrissent. Il était donc naturel que je procède de la même manière dans ma nouvelle séquence professionnelle qu’était cette recherche en thèse.

La cohérence me paraissait venir aussi du cadre général de ma recherche, située dans une démarche compréhensive, en sociologie de l’individu et m’amenant à étudier les parcours de vie. Je devais avoir des conditions de proximité avec les directeurs et directrices d’Ehpad, pour mieux entrer dans ce qu’ils et elles vivaient, pensaient. Cela signifiait aussi pour moi de prendre le risque de cette proximité, qui me demanderait de cultiver parallèlement les conditions d’une distance suffisante pour l’analyse.

Comment le groupe est-il né ?

D’abord il m’a fallu réfléchir longuement aux formes qu’il pourrait prendre, à ce que l’on pourrait y faire, à qui pourrait y participer. Une formation doctorale à la démarche participative m’a aidée à être rigoureuse dans la préparation. Et puis, en février 2024 tout était prêt pour lancer l’appel à participer, d’abord sur LinkedIn, puis dans des articles sur le projet et via des relais de collectifs professionnels. « Vous êtes ou avez été directeur ou directrice d’Ehpad, ou adjoint ou adjointe ? Entrez dans une démarche participative au long cours. » Deux, trois, cinq, dix, puis une vingtaine de directeurs et directrices m’ont contactée pour participer au groupe de recherche.

« Qu’attendez-vous de ce groupe ? »

C’est la question que j’ai posée aux volontaires : ce que les participantes et participants allaient récolter au fil des mois serait le meilleur carburant du groupe. Leur souhait premier était que ce soit un espace d’échange et de réflexion sur le métier de directeur et directrice d’Ehpad, de partages de pratiques. Ils et elles me disaient aussi penser pouvoir y déposer leur expérience, atypique, diversifiée, depuis l’intérieur du métier ou en étant maintenant plus en périphérie pour ceux qui étaient passés à autre chose, entre public, privé et associatif. Et puis ils apporteraient leur curiosité, leur capacité d’écoute, leur propension à la remise en question, de l’optimisme, des convictions, un franc parler.

A quoi ressemble l’organisation ?

Huit sessions de travail sont prévues sur les trois ans. Nous venons de faire la troisième et nous prévoyons une rencontre en présence vers la fin du travail. Il y a eu 35 participations au total. Les personnes disponibles viennent s’inscrire en amont à une des séances d’une heure et quart ouvertes à chaque session : plusieurs séances pour donner du choix dans des emplois du temps que je sais surchargés et pour que les discussions puissent se faire en petit comité ; une durée limitée que je respecterais attentivement.

A chaque fois une discussion est centrale : « Qu’est-ce qui amène à devenir directeur ou directrice, à le rester ou ne pas le rester ? », « Quelles évolutions des Ehpad ont eu des retombées sur votre travail ? » « Quelles sont les caractéristiques de votre manière de diriger ? ». Bientôt je soumettrai de premières analyses d’entretiens à leurs esprits critiques.

Divers documents sont à disposition en ligne pour suivre la recherche aussi, écrits, audio ou vidéo, à son rythme, selon ses appétences.

Un groupe qui vit

D’abord, la question du débordement des activités arrive jusqu’à ces sessions, avec, très souvent, des personnes inscrites qui s’excusent d’en avoir été empêchées, ou d’avoir eu une semaine trop pleine pour y glisser autre chose, ou encore parce qu’il fallait aller aux priorités. Alors les discussions en petit groupe deviennent des moments précieux aussi pour moi, sous la forme d’entretiens en tête à tête. Et l’on peut aller loin, aux sources de ce qui anime la personne.

Je constate aussi que le groupe vit et se transforme. Les participants inventent leurs formes de participation d’une manière qui me surprend : une présence est remplacée par un message, un appel téléphonique, un document de travail. Lorsque je prépare une communication je peux y emporter des idées ou même un paragraphe développé par un participant. On me fait des retours sur une vidéo ou un texte que j’ai déposé. Et puis il arrive que l’on se rencontre lors d’un évènement lié au grand âge, que s’amorce une discussion, qu’au fil des échanges un atelier thématique s’improvise. Et voici qu’Anne a l’idée d’un article à quatre mains pour son site professionnel…

Des formes de participation

Je n’avais rien prévu de tout cela et je ne sais pas exactement ce qui ressortira du travail de ce groupe participatif de recherche dans ma thèse. Mais ce que je sais déjà, c’est que ce groupe de directeurs et directrices correspond à l’image que je me fais du travail avec les autres : surprenant, ouvrant à la créativité, déroutant. Indispensable. Et comme je leur ai dit récemment, « toutes les formes de participation y ont leur place, qu’elles soient actives, créatives, attentives ou discrètes. »

Je voudrais les remercier encore de leur présence et de leur contribution, qui donneront à cette recherche une coloration toute particulière.

Photographie : Vincent Balthazar