Comment installer, dans un système hiérarchisé comme l’est l’éducation nationale, des modes de relation et de travail qui s’éloignent des formes traditionnellement vécues sur un principe de domination soumission ? C’est une question essentielle pour développer des collaborations. Après la double pensée nécessaire selon Pascal, voici quelques représentations sur ce fonctionnement hiérarchisé et le principe de domination décrit en sociologie par Weber. Parce que comprendre aide à se déprendre, individuellement, collectivement.
Système hiérarchisé. En nous appuyant sur les travaux de Sylvain Starck (1) et Dominique Sénore (2), on constate bien que l’organisation de l’éducation nationale, ici dans le premier degré, est décrite, vécue comme verticale, comme hiérarchiquement rigide : elle serait basée sur le devoir de loyauté (3) et d’obéissance des cadres vis-à-vis de leurs supérieurs, et encore marquée par la crainte de la part des enseignants à l’égard des IEN (Starck, 2009). On y trouve des conceptions d’incarnation de l’autorité évoluant au travers d’archétypes, de celui de l’IEN-baron, « seigneur en son château », à celui du « héros solitaire et modeste », selon Sylvain Starck (2009). Cette organisation de l’autorité dans un système hiérarchisé apparaît directement reliée au principe de domination présenté par Weber.
Trois formes de légitimité
Weber considère que la domination est admise par les sujets devant trois formes de légitimité, dans une typologie devenue classique en sociologie politique, avec la domination légale, la domination traditionnelle et la domination charismatique. La première présenterait un caractère rationnel, reposant sur la croyance en la légalité des règlements ; existerait aussi la légitimité revêtant un caractère traditionnel, qui repose sur la « croyance quotidienne en la sainteté des traditions […] et en la légitimité de ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens (4) ». La troisième forme de légitimité de la soumission s’érige devant une autorité au caractère charismatique reposant « sur la valeur exemplaire d’une personne, ou émanant d’ordres révélés ou émis par celle-ci » (Weber)
L’autorité s’implante donc dans un système hiérarchisé et s’incarne dans des conceptions archétypales diverses. C’est sur ce terreau que naissent des formes de pouvoir, pouvoir qui sera conféré à qui détient une forme d’autorité, et parfois des formes de domination devant ce qui, ou devant qui, détient cette autorité. Sans doute les choses ont-elles évolué ces dernières années, sans toutefois perdre complètement ces caractéristiques. La question est de savoir comment on peut éviter l’écueil d’une relation de domination, tout en demeurant dans un système hiérarchisé, puisqu’il préexiste. Une réponse est apportée par Pascal et sa double pensée mais il y en a d’autres que nous verrons dans les prochains articles.
(1) Starck, S. (2009). Administrer et enseigner : quel travail à l’interface ? : inspecteurs et enseignants dans le premier degré. Thèse présentée et soutenue publiquement par Sylvain Starck ; sous la direction de Patricia Champy-Remoussenard.
(2) Sénore, D., (1999). L’inspecteur, le maître et les élèves. Du pacte à l’alliance : pour une construction identitaire d’une éthique de l’acte d’inspection. Thèse en sciences de l’éducation, sous la direction de Philippe Meirieu.
(3) Notion fréquemment usitée dans les structures d’encadrement et d’inspection, qui a été notamment décrite par Sylvain Starck, dans son articulation avec l’autonomie http://www.congresintaref.org/actes_pdf/AREF2007_Sylvain_STARCK_368.pdf
(4) Guinchard, J.-J. (2006). Max Weber : vie, œuvre, concepts. Ellipses.
Hiérarchie et autorité (3/4) : à la recherche de l’émancipation