Parcours professionnel (3/4) : G comme Grandir et faire grandir

Une rupture, un changement de trajectoire, vont demander de prendre le risque de passer entretiens, concours ou examens. De prendre le risque de l’échec. Celui de la réussite aussi. Dans quelles conditions y gagner (presque) toujours ? Y faire gagner (presque) toujours ?

Winston Churchill semble ne pas hésiter : « La réussite ne dure pas, l’échec ne tue pas. Ce qui compte, c’est de continuer à avancer. » Le risque, il le prendra pour éviter les dangers plus grands, selon lui, que sont ceux de l’immobilité qui fige un être. Avant la réussite, avant l’échec, il y a la préparation.
Préparer et se préparer, c’est apprendre. Se préparer à un entretien professionnel amène à se projeter : se projeter dans le passé avec le CV où l’on prend souvent conscience, surtout pour les premiers entretiens, de ce que l’on a construit, développé comme habiletés au long des années et des expériences ; se projeter dans le futur avec la lettre de motivation. On apprend donc sur soi. Cela demande aussi de se renseigner sur un poste, un domaine, un service, en interrogeant ceux qui y travaillent, en recoupant les regards, en préparant les questions de manière à baliser le territoire à découvrir. Ce balisage peut aller jusqu’à se rendre compte que finalement on ne s’y verrait pas, que ce n’est pas le moment ou la bonne destination. Et ce n’est pas un problème. Parfois on ne peut simplement pas faire l’économie d’aller au bout des choses pour comprendre qu’on ne voulait pas vraiment y aller. Mais on n’a pas fait tout cela pour rien, on l’a fait pour le faire, pour l’expérience que l’on en retire, cette connaissance passant par les sens, par l’intelligence, subjective autant qu’objective donc, qui renouvelle une connaissance antérieure. Connaissance qui met en mouvement.

Grandir
Et c’est là qu’intervient le principe d’y gagner (presque) à tous les coups. Avant d’entamer une démarche, ou avant de passer un oral, il me semble très constructif et protecteur de se fixer ses propres objectifs, par écrit pour les retrouver ensuite. Des objectifs personnels, atteignables, qui dépendent de soi plus que du jury. Deux ou trois objectifs suffiront. Mon entretien sera réussi si… « j’ai ensuite l’impression de mieux connaître un domaine de recherche », « je peux réutiliser dans ma fonction actuelle ce que j’ai appris », « j’ai réussi à présenter clairement trois choses que je peux apporter », ou « j’ai réussi à m’exprimer sans me presser, en insistant sur ce qui a le plus de valeur à mes yeux. » Pour ressortir gagnant à tous les coups, l’important est donc de ne pas viser seulement d’être retenu à un poste, on sait que c’est aléatoire, que cela dépend des autres candidats et de nombre de facteurs dont on n’a pas toujours connaissance. L’important, c’est de considérer l’entretien, ce qui le précède et ce qui suivra, comme une découverte, exploration dedans-dehors.

Échouer ou réussir
Toutefois, on ne ressort pas de la même manière lorsqu’on réussit et lorsqu’on échoue, et pas non plus de la manière de deux entretiens échoués. Certains échecs sont de vraies réussites, avec des bénéfices pour sa réflexion et ses motivations, une amélioration de ses manières de penser ou vivre des situations de stress, de mise en concurrence, de confirmation d’habiletés à s’exprimer à l’oral ou à se présenter avec honnêteté, c’est à dire en montrant vraiment ce que l’on pense pouvoir apporter ou ne pas apporter. C’est là qu’intervient la manière dont sont organisés les entretiens, puisqu’un autre bénéfice de se remettre en chemin pour vivre des entretiens en étant candidat, c’est de se mettre à place de ceux qui se présentent à l’orald’un examen, d’un concours, ou candidatent à poste.

Faire grandir
En tant qu’organisateur ou participant à un jury quel qu’il soit, si l’on profite d’avoir été soi-même candidat on gagne à tenir deux contraintes en même temps : prévoir un déroulement qui aide vraiment à repérer quelle personne sera la plus à même d’occuper un poste ; et prévoir des modalités qui permettent aux candidats de retirer le maximum de bénéfices de leur démarche, le moins possible de désagréments de perte d’estime (il va falloir que le candidat retrouve sa fonction du moment en n’étant pas fragilisé par ce qu’il à vécu. S’il peut en être boosté, c’est encore mieux.). Que mettre en place pour cela ? Des objectifs, une connaissance des écueils et des antidotes pour les éviter.

Ouverture  et équité
Le principe d’un jury, c’est de sélectionner ceux que l’on va deviner prêts à entrer dans notre groupe d’appartenance professionnelle, ou dans une équipe. Mais l’enjeu de la vie d’un groupe, c’est aussi de se régénérer de l’intérieur en ouvrant la porte à la différence, à la diversité, à une certaine  déviance donc, capable de faire évoluer. Parce que « ce qui ne se régénère pas dégénère » écrit Edgar Morin. Responsabilité alors de repérer ceux qui n’ont pas tout le bagage, les codes, les connaissances à l’arrivée, mais qui pourraient pourtant enrichir l’ensemble par leur parcours, leur personnalité. Condition de cet accueil de l’altérité, il va falloir éviter les risques et les facilités de l’entre-soi et de la cooptation, être le plus équitable possible donc. Ce sera facilité si l’on a pesé qui serait dans le jury et construit le déroulement de l’entretien. Des regards extérieurs et fonctions multiples sont souhaitables dans la composition du jury.

Questions à facettes et sécurisation
La préparation des questions, leur répartition est importante aussi. Équilibrer et répartir les prises de parole évitent de donner trop de poids à une personne ou fonction, ou d’en exclure une autre. Préparer des questions larges et variées révèle des facettes complémentaires des candidats, avec des questions techniques, des questions qui demandent recul et esprit de synthèse, d’autres qui placent dans la réflexion, comme on le ferait avec des problèmes complexes dont on n’a pas la réponse. Ensuite, pendant le déroulé, il est important que les questions ne mettent pas en difficulté le candidat et si c’est le cas, que cela ne dure pas longtemps : cela ferait sinon du mal pour rien. Il faut aller à la rencontre de la personne, chercher à faire connaissance. On s’avance vers le candidat, une question c’est un pas en avant sur la glace, pour voir si ça tient. Si c’est le cas, alors on avance encore, un peu et puis un peu plus loin. Parfois on sent qu’il faut revenir en arrière, parce qu’il ne servirait à rien de se retrouver à l’eau. Mais parfois on va encore plus avant, et encore, et encore, jusqu’à ne plus très bien savoir qui interroge et qui répond, qui avance et qui suit. On s’est rencontrés.
S’agissant des jurys pour des candidatures sur un poste, assurer les conditions les plus protectrices est nécessaire également. On peut d’abord prévoir au début de l’entretien de saluer la prise de risque de se présenter, ajoutant que l’on sait que c’est courageux de se remettre ainsi en jeu. On peut aussi préciser que l’on souhaite que la personne en retire une connaissance et qu’on l’appellera pour lui donner le résultat de l’entretien et pour faire un retour sur ce que le jury a trouvé de positif, à bien garder donc, et comment avancer encore.
Après l’information officielle des résultats, il restera à appeler les candidats. Un seul aura le poste. Pour les autres, la déception est à écouter, à atténuer si c’est possible pour les retours du jury, pour que la promesse de la démarche constructive soient tenue. C’est tout le groupe d’appartenance qui gagne à faire gagner les personnes qui prennent des risques, en les assurant tout au long de leur parcours professionnel.

Parcours professionnel (4/4) : Admiration – Entretien avec Delphine Fobert