Avoir ou non osé l’écart
– un écart suffisant pour qu’un autre avenir commence de se soupçonner –
devient le critère intime de nos vies.
François Jullien, De la vraie vie
Qu’est-ce qui se joue, qu’est-ce qu’on joue, à travers son travail ? C’est une question que je me suis souvent posée, constatant combien le travail prenait de la place dans ma vie, en temps, en pensée, en énergie, dans ce que j’écrivais. A 30 ans lorsque j’étais enseignante, à 40 ans en tant que rédactrice en chef, ou à 50 ans maintenant inspectrice, l’importance de mon métier, de mes métiers, ne s’est jamais démentie. Que trouve-t-on dans son travail, au long des années ? Comment accepter, écouter, préparer les méandres d’un parcours, jusque dans ses ruptures ? Qu’est-ce qui aide à prendre le risque du changement ? A partir de mon expérience, à la fois unique et commune, voici quelques réponses dans une série d’articles où chacun se cherchera ou se retrouvera peut-être parfois.
Je commence par la question de ce qui compte, ce qui compte vraiment dans ce que l’on vit, ce qui vaut d’y mettre du temps, de l’énergie, de l’inquiétude. Cette question me semble commune dans le cadre du travail, puisque si les différents aspects d’une vie sont complémentaires, ils entrent en concurrence : c’est ce que me disent beaucoup d’enseignants et surtout d’enseignantes, de directeurs et directrices. Beaucoup se demandant : « Est-ce que je fais le bon choix en m’investissant autant dans mon métier ? » C’est aussi une grande question pour moi. Si je veux tenter de décrire comment je vois les choses s’organiser pour moi, spontanément je dis que le travail est au centre de mon système de vie. A quoi ressemble ce centre, qu’est-ce qui l’y a amené et comment expliquer qu’il y reste ? C’est ce que je décris dans cet article.
Ce que je sais pour moi, c’est qu’il n’y a pas d’un côté la vie personnelle et de l’autre côté la vie professionnelle. J’aime beaucoup les vieux chinois qui ne séparent pas le monde en deux, ni en catégories, mais qui vont le voir comme une respiration, un mouvement continu. A lire dans cet article.
G comme Grandir et faire grandir
Une rupture, un changement de trajectoire, vont demander de prendre le risque de passer entretiens, concours ou examens. De prendre le risque de l’échec. Celui de la réussite aussi. Dans quelles conditions y gagner (presque) toujours ? Y faire gagner (presque) toujours ? J’en parle dans cet article.
On entre dans une nouvelle fonction avec des modèles et des contre-modèles. Delphine Fobert, cheffe d’établissement puis inspectrice, a été pour moi un de ces modèles lorsque j’ai dû habiter une fonction hiérarchique, neuve pour moi. Un modèle pour le travail mais un modèle de vie, elle qui disait : « Il y a pas deux individus chez moi, je ne cesse pas d’être cheffe d’orchestre lorsque que je pose la baguette, lorsque je ferme le collège. » Sa seule mauvaise idée a été de nous quitter bien trop tôt, mais jusque dans ses dernières semaines son travail l’a animée. Du parcours professionnel, elle disait : « Quand tu es arrivée sur le toit de ce que tu avais à faire, tu ne peux pas monter plus haut. Tu sens que tu dois faire autre chose, donner un autre filtre, une autre couleur, un ailleurs à ce que tu fais. » Et puis elle s’en est allée vers d’autres ailleurs, vers d’autres sommets.
Dans cet article, vous trouverez des extraits d’un entretien qu’elle m’avait accordé pour un mémoire de Master. Elle m’avait dit « Les idées appartiennent à ceux qui s’en emparent, ce sont eux qui leur donnent une âme. » Voici donc des idées de Delphine. Qu’elles continuent de vivre. Il était une voix…